Prendre trop de selfies serait reconnu comme une maladie mentale : Le « selfitis » !

 



Le pape François, en train de prendre un selfie avec des jeunes en 2013

Le pape François, en train de prendre un selfie avec des jeunes en 2013

© Facebook/Profil de Ricardo Aguiari

 

Depuis quelques années, le selfie est devenu un phénomène viral à travers le monde. Que ce soit pour montrer où on est, ce qu’on est en train de faire ou ce qu’on mange, tout le monde s’embarque. Personnalités religieuses, politiques, athlètes, chanteurs, étudiants, etc., nul ne fait exception. S’il parait évident que tout le monde a fort probablement déjà pris au moins un selfie, nous nous demanderions bien combien en sont atteints de la « maladie » du selfie : la selfite (acceptation française pour « selfitis » en anglais) ? Dans cet article, nous allons faire le tour de ce que les scientifiques disent à propos de cette étrange maladie. Mais avant d’aborder la maladie, il est important de nous attarder un peu sur la signification et la pratique du selfie dans le monde.

Autour du selfie                                                                 

Le mot selfie vient du terme anglais self qui signifie « soi », et a fait son apparition dans la nouvelle version du dictionnaire d’anglais Oxford en 2013, où il a été élu « mot de l’année ». Se « selfiser » consiste ainsi à se photographier à l’aide d’un portable, puis à diffuser la photo sur des réseaux sociaux tels que Facebook, WhatsApp, Instagram et autres (Korff-Sausse, 2016). Donc, un selfie est une photo de vous faite par vous à l’aide d’un portable ou autre appareil photo.

À mesure que la pratique devient courante, les industries arrivent même à fabriquer des accessoires permettant la prise des selfies plus aisée, des selfie-sticks (perches à selfie, en français) par exemple, qui permettent à une personne de prendre un selfie en photographiant son corps en entier. Les géants du numérique créent aussi des applications, des logiciels capables de modifier ou d’embellir des photos, dont les selfies : PicsArt, Photoshop, PhotoEditor, etc. Par-dessus tout, il y a le fameux réseau social Snapchat qui fait un mélange assez bien concocté de tout ce qui concerne les selfies, de la prise à la publication. Mais quand est-ce que prendre un selfie, une activité apparemment si simple et ludique peut-elle devenir une maladie mentale ?

Le selfitis : comment reconnaitre la maladie ?

La selfite (selfitis) se définit comme la prise obsessionnelle de selfies et pour ensuite les diffuser sur les réseaux sociaux (Balakrishnan & Griffiths, 2018). Pour les  chercheurs, il s’agit d’une sorte d’addiction, c’est-à-dire un attachement excessif à quelque chose, où la personne atteinte sent la nécessité de répéter fréquemment la même activité ou le même comportement, comme boire de l’alcool par exemple (alcoolisme).

Pour étudier en profondeur la maladie, les chercheurs ont élaboré un test/questionnaire (échelle comportementale de la selfite) pouvant mesurer le degré de la maladie chez une personne (Balakrishnan & Griffiths, 2018). Ainsi, les chercheurs ont établi trois niveaux d’addiction aux selfies :

  1. À risque : quand la personne se prend en photo au moins trois fois par jour sans les publier sur les réseaux sociaux.
  2. Sévère : quand la personne se prend en photo trois fois par jour et les publie ensuite  sur les réseaux sociaux.
  3. Chronique : quand la personne a une envie incontrôlable de prendre des selfies tout au long de la journée pour ensuite les poster sur les réseaux sociaux plus de six fois par jour.

Les causes

Toujours selon la même étude de Balakrishnan & Griffiths (2018), six facteurs peuvent être à la base de la selfite :

  1. Manque de confiance en soi : Une personne atteinte par cette maladie souffre d’un manque de confiance en soi qu’elle cherche à combler à tout prix. Elle fait beaucoup de selfies pour contrôler son apparence, mais surtout pour obtenir des autres des commentaires positifs pouvant booster sa confiance en soi.
  2. Recherche d’attention : Les individus atteints de la maladie veulent devenir populaires pour attirer plus de monde à « liker » et commenter leurs photos. C’est pour cela qu’ils consultent souvent leurs notifications pour vérifier si les « like » ont augmentés ou s’il n’y a pas de nouveaux commentaires, bref, pour savoir s’ils sont arrivés à capter l’attention des internautes. Cela pourrait dénoter aussi un aspect narcissique, c’est-à-dire que ces individus ont un amour excessif pour leurs propres personnes et éprouvent un besoin d'être toujours admirés.
  3. Concurrence sociale : Les gens atteints de selfite croient qu’ils sont en compétition avec d’autres internautes. Ils cherchent à obtenir plus de « like » et plus de commentaires que les autres, c’est pourquoi ils font de plus en plus de selfies dans plusieurs endroits, dans différentes poses et les publient plus fréquemment sur les réseaux sociaux. Ils utilisent des applications de retouche photo aussi dans le but d’améliorer leurs selfies afin qu’ils paraissent meilleurs que ceux des autres.
  4. Modification de l’humeur : Il n’est pas facile de voir une personne mécontente dans un selfie, c’est toujours la joie. Alors, la personne atteinte de selfite est souvent une personne stressée, malheureuse même, qui prend des selfies dans le but de se porter mieux (en se cachant souvent derrière un masque souriant).
  5. Amélioration de l’environnement : Ces individus pensent qu’ils doivent obligatoirement prendre des selfies pour se sentir vraiment présents dans un endroit, et ils prennent des selfies comme souvenirs pour continuer à revivre des moments même lorsqu’ils ne s'y trouveraient plus.
  6. Conformité subjective : Pour se sentir accepté dans un groupe (sur les réseaux sociaux surtout), il est nécessaire de prendre régulièrement des selfies et ensuite les poster. Pour une personne atteinte de selfite, c’est le seul moyen pour lui de sentir son existence et de rester connectée à la réalité.

Les conséquences

Parmi les conséquences du selfite, on retrouve la dépendance et la perte de temps (la personne consacre beaucoup plus de temps à prendre des selfies, elle devient de plus en plus dépendante et cherche à obtenir plus de « like » et de commentaires. Cela entrave d’autres activités de la personne, activités scolaires par exemple. Le journal britannique Daily Mail  rapporte le cas d’un jeune anglais de 19 ans, qui passent environ 10 heures de temps par jour à prendre des selfies (environ 200 selfies par jour), il voulait trouver le selfie parfait et il a failli même se suicider (Robinson, 2014).

On retrouve aussi des conséquences physiques graves. Selon un article publié dans le Washington Post, prendre trop de selfie peut entrainer une maladie appelée « selfie elbow » (le coude du selfie). C’est une inflammation des tendons qui courent le long du bras jusqu’à la coude, causée par le fait de prendre trop de selfies (Tsukayama, 2016). Ce malaise est causé, pas tant par la prise du selfie en soi, mais plutôt par la disposition inconfortable du bras lors de cette prise.

Enfin, les conséquences les plus graves sont les accidents et le pire, la mort. Cela peut paraitre étrange que l’on puisse être tué par un selfie, mais c’est une réalité. Selon une étude réalisée en Inde, entre octobre 2011 et novembre 2017, on compte 259 personnes mortes à l’échelle mondiale à cause du selfie (Agam, Chandan, Abhijith, & Samiksha, 2018). Donc, c’est du sérieux. Il suffit d’écrire « mort par selfie » sur votre moteur de recherche et vous serez étonné des résultats.

Conclusion

En somme, la maladie du selfie est tout à fait récente, elle n’a pas encore fait l’unanimité dans la communauté scientifique, d’ailleurs on n’y propose pas encore de vrais traitements pour soigner les individus atteints. En outre, les deux plus grandes classifications des maladies dans le monde à savoir le DSM et le CIM n’entrent pas encore la selfite dans leurs nomenclatures. Mais, il y a qui est bien vrai : c’est que tous les signes se présentent à nous dans le quotidien et qu’elle ressemble en certains points à l’addiction ou à un trouble obsessionnel compulsif (TOC). Il faudrait alors des études plus poussées dans le but de mieux cerner la maladie avant de l’établir.

Il est de la responsabilité de tout un chacun de contrôler ses habitudes de vie en regard à l’utilisation des appareils technologiques, car il s’avère que, tout comme ils peuvent avoir des effets néfastes sur notre santé physique (voir  « Les effets biologiques des ondes téléphoniques sur l’être humain » sur QuidHaiti) les répercussions psychologiques alarment de jour en jour un peu plus.


Robinson ACHILLE,
Étudiant en psychologie à l’UEH

 

Bibliographie

Agam, B., Chandan, G., Abhijith, P., & Samiksha, G. (2018). Selfies : A boon or bane ? Journal of Family Medicine Primary Care, 7, pp. 828-831.

Balakrishnan, J., & Griffiths, M. D. (2018). An exploratory study of "selfitis" and the development of the Selfitis Behavior Scale. International Journal of Mental Health and Addiction, 16, pp. 722-736.

Korff-Sausse, S. (2016). Selfies : narcissisme ou autoportrait ? Adolescence, 3, pp. 623-632.

Robinson, W. (24 Mars 2014). Selfie almost killed me : Schoolboy who took 200 photos of himself every day because he wanted perfection describes how addiction drove him to attempt suicide. Consulté le 18 Fevrier 2021, sur Daily Mail: https://www.dailymail.co.uk/news/article-2588364/Selfies-killed-Schoolboy-took-200-photos-day-wanted-perfection-describes-addiction-drove-attempt-suicide.html

Tsukayama, H. (05 Juillet 2016). "Selfie elbow" is the latest in a long line of tech-related injuries. Consulté le 18 Fevrier 2021, sur The Washington Post: https://www.washingtonpost.com/news/the-switch/wp/2016/07/05/selfie-elbow-is-the-latest-in-a-long-line-of-tech-related-injuries/   


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