Cinq maladies mentales que peut causer un tremblement de terre
Le 14 août 2021, un violent tremblement de terre de
magnitude 7,2 a ravagé le Sud de la République d'Haïti, de nombreuses villes
sont touchées. On compte plus de 2 000 morts, des centaines de personnes
disparues et plus de 12 000 blessées.
Généralement, dans ces situations d’urgence, les
autorités et les secours ne pensent qu’aux dégâts matériels et aux victimes
touchées physiquement. Ainsi, les aides qu’ils apportent sont souvent de la
nourriture, des matériels médicaux, des tentes, etc., mais aucune assistance
psychologique, du moins presque pas. On a tendance à oublier que les
catastrophes ne font pas seulement des dégâts physiques ou matériels, mais
qu’elles provoquent aussi tout un ensemble de problèmes psychologiques :
du simple stress jusqu’à des maladies mentales graves. Car selon l’OMS, dans
une situation d’urgence, 35-50% de la population manifeste une détresse
légère à modérée ; 15-20% présente un trouble psychique léger à modéré
(troubles psychosomatiques, syndrome de stress post-traumatique…) ; 3-4%
souffre d’un trouble psychiatrique majeur (psychose, dépression sévère, trouble
anxieux majeur…) (OMS, 2005, cité dans ACF, 2015).
Dans cet article, nous allons faire une brève
présentation de cinq (5) troubles mentaux qui peuvent être provoqués par des
catastrophes, plus particulièrement un tremblement de terre. Nous nous appuyons
sur le Manuel Diagnostic et Statistiques des Troubles Mentaux (DSM-5) (APA,
2013) et sur des études scientifiques qui ont été menées sur des populations
victimes de catastrophes naturelles, humaines, technologiques et
autres (Cremniter & et al, 2007, Jabouin, 2010, Maltais & et al,
2000, Maltais D., 2002).
I. Dépression
Appelée dépression majeure ou trouble
dépressif caractérisé, c’est un trouble mental caractérisé principalement par
une profonde tristesse, une baisse de l’estime de soi, une perte d'intérêt pour
tout type d'activité et des difficultés dans la vie quotidienne (famille,
profession, école, etc.) depuis au moins deux semaines consécutives.
Le DSM-5 (APA, 2013) identifie neuf
symptômes pour diagnostiquer la dépression : 1- Humeur dépressive
présente quasiment toute la journée et presque tous les jours (p. ex. se
sentir triste, vide, sans espoir, pleure…) ; 2- Perte d’intérêt
pour toutes ou presque toute activité ; 3- Perte ou gain de poids
significatif en l’absence de régime, diminution ou augmentation de
l’appétit ; 4- Insomnie ou hypersomnie presque tous les jours (trouble du
sommeil) ; 5- Agitation ou ralentissement psychomoteur (mouvement corporel)
; 6- Fatigue ou perte d’énergie ; 7- Sentiment de dévalorisation ou de
culpabilité excessive ou inappropriée ; 8- Diminution de l’aptitude à penser ou
à se concentrer ; 9- Pensées de mort récurrente, idées suicidaires ou tentative
de suicide.
Le tremblement de terre avec toutes les pertes qu’il
engendre (mort d’un proche, perte d’emploi, perte matérielle et autres) peut
causer l’apparition de dépression chez n’importe quelle personne (peu importe
l’âge). Il faut souligner que les femmes sont souvent plus touchées par la
dépression que les hommes.
II. Trouble anxieux (anxiété)
L’anxiété est un état psychologique et physiologique
caractérisé par une inquiétude et une peur intense face à une situation, ainsi
qu’une accélération du rythme cardiaque,
une respiration rapide, de la transpiration et une sensation de fatigue. La
peur est différente de l’anxiété. La peur est la réponse émotionnelle à une
menace imminente réelle ou perçue, alors que l’anxiété est l’anticipation d’une
menace future, une menace qui n’est peut-être même pas réelle. L’anxiété est
une réaction normale, mais devenue une maladie quand elle est excessive, d’où
l’apparition du trouble anxieux.
Un trouble anxieux est un trouble
mental caractérisé par des sentiments d'inquiétude, d'anxiété ou de crainte et
qui perturbe les activités quotidiennes de la personne. Dans le cas d’un
séisme, l’individu redoute le passage d’un prochain séisme et le moindre bruit
le fait sursauter. L’individu surestime habituellement le danger dans les
situations qu’il craint. Il faut dire qu’il existe un ensemble de troubles
anxieux : anxiété sociale, trouble de panique, anxiété généralisée, etc.
Les femmes sont encore plus touchées que les hommes par ce trouble soient deux
fois plus.
III. Trouble de stress post-traumatique (TSPT)
C’est l’un des troubles les plus graves retrouvés chez
des victimes de catastrophes naturelles. Il est caractérisé par une incapacité
chez une personne à se récupérer après avoir été exposée à une situation au
cours de laquelle sa vie ou la vie d’autres personnes étaient en danger
(exposition à la mort, menace de mort, accident, violence sexuelle).
Ce trouble présente un large éventail de symptômes
: souvenirs répétitifs et involontaires de l’évènement traumatique
provoquant un sentiment de détresse ; cauchemars, où l’individu revit
l’évènement traumatique (p. ex. le tremblement de
terre) ; réactions dissociatives, dont les flashbacks (scènes
rétrospectives), qui sont des moments au cours desquels l’individu se sent ou
agit comme si l’évènement traumatique allait se reproduire
; sentiment intense de détresse psychique lorsque l’individu
voit ou entend des choses en rapport avec
l’évènement ; hypervigilance, réaction de sursaut exagérée
; problèmes de concentration, perturbation du sommeil, évitement ou
efforts pour éviter les rappels externes (personnes, endroits,
conversations, activités, objets, situations) qui réveillent des souvenirs
associés à l’évènement traumatique ; etc.
En somme, on parle de TSPT, c’est lorsqu’une
personne a été exposée directement ou indirectement à un évènement traumatique,
lorsque les symptômes persistent depuis 1 mois ou plus, lorsque les symptômes
provoquent une souffrance importante ou entravent considérablement le fonctionnement
de la personne (social, familial, professionnels et autres).
IV. Schizophrénie
La schizophrénie est l’un des troubles mentaux les
plus sévères, on l’appelle communément folie (fou, personne folle). C’est un
trouble caractérisé par une perte de contact avec la réalité, des idées
délirantes, des hallucinations, des discours désorganisés, retrait social,
comportement moteur anormal ou grossièrement désorganisé, rire immotivé
(l’individu rit sans aucune raison), anhédonie (ne ressent aucune émotion),
perte d’intérêt ou de plaisir pour des activités quotidiennes, impulsivité,
maniérisme (l’individu devient bizarre, il s’habille n’importe comment),
agitation, insomnie, etc.
Après la catastrophe, l’individu atteint de
schizophrénie peut oublier son nom, son adresse, ses proches et tout un
ensemble d’autres informations. L’individu peut laisser sa maison, et même la
ville où il habite. Il peut répéter un ensemble de discours incohérents (sans
sens). Bref, l’individu est déconnecté de la réalité et devient insociable.
Après le tremblement de terre du 12 janvier 2010 en Haïti, on a remarqué
plusieurs personnes présentant des symptômes en lien avec la
schizophrénie.
V. Maladie psychosomatique/trouble somatoforme
Par définition, une maladie psychosomatique est une
maladie physique (affection médicale) causée ou aggravée par des
facteurs psychologiques. C’est l’influence de l’esprit sur le
corps. Un individu atteint d’une maladie psychosomatique peut souffrir de
n’importe quel trouble médical : asthme, eczéma, ulcère d’estomac, cancer,
etc. Toutes ses maladies sont occasionnées par des facteurs
psychologiques (stress, émotions inexprimées, évènements de vie
douloureux, etc.), alors uniquement des traitements médicaux ne suffiront pas à
faire disparaitre la maladie.
On parle aussi de
trouble somatoforme (trouble à symptomatologie somatique), c’est
lorsque l’individu présente un ensemble de symptômes physiques qui ne
peuvent pas être expliqués par des examens médicaux. La différence avec la
maladie psychosomatique, c’est que les symptômes sont associés à des
souffrances, des inquiétudes et des difficultés à fonctionner au
quotidien.
Conclusion
Les
maladies mentales ayant un lien avec des catastrophes sont beaucoup, nous
n’avons présenté qu’une partie d’entre elles. Il faut souligner deux choses par
rapport aux impacts psychologiques des catastrophes : d’abord, il faut
dire que, parfois, certaines personnes étaient déjà prédisposées à une maladie
mentale et que la catastrophe ne constitue qu’un facteur déclencheur à la
maladie ; ensuite, il ne faut pas croire que toutes les personnes qui ont
été victimes d’une catastrophe seront affectées par une maladie mentale.
Certaines personnes seront tout simplement inquiètes, anxieuses, tristes, ont
de la peur… Mais seront vite remises sur pied.
Nous
espérons que les autorités et les organismes qui interviennent après les
catastrophes prennent au sérieux l’aspect psychologique et apportent de l’aide
nécessaire aux victimes, surtout aux enfants qui constituent une population
très vulnérable lors des catastrophes.
Nos
sympathies à tous les habitants du Grand Sud (Haïti) !
Robinson
ACHILLE,
Étudiant en Psychologie au Campus Henry Christophe
de l’Université d’État d’Haïti à Limonade
Références
1.
Action Contre la Faim (ACF). (2015). L'impact psychosocial des crises
humanitaires : Mieux comprendre pour mieux intervenir. France: ACF.
2.
Association Américaine de Psychologie (APA). (2013). Manuel
Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (DSM-5) [Traduction française,
2015]. Paris: Elsevier Masson.
3. Cremniter, D., Coq, J. M., Chidiac, N., &
Laurent, A. (2007). Catastrophes. Aspects psychiatriques et psychopathologiques
actuels. EMC - Psychiatrie, 4(4), 1‑14.
4. Jabouin, E. (2012). Haïti, en situation
post-séisme : quelques effets de la catastrophe du 12 janvier 2010 sur la
population locale. Études caribéennes, 17. https://doi.org/10.4000/etudescaribeennes.4842
5. Maltais, D. (Éd.). (2002). Catastrophes et
état de santé des individus, des intervenants et des communautés.
Chicoutimi : Université du Québec à Chicoutimi.
6. Maltais,
D., Lachance, L., Fortin, M., Lalande, G., Robichaud, S., Fortin, C., &
Simard, A. (2000). L’état de santé psychologique et physique des sinistrés des
inondations de juillet 1996 : étude comparative entre sinistrés et non
sinistrés. Santé mentale au Québec, 25(1), 116‑137. https://doi.org/10.7202/013027ar
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